Orientation des bacs techno et pro : les quotas, un « outil contesté » mais qui commence à produire des effets

Le rapport de la députée Sandrine Doucet présenté en commission le 28 octobre 2014 montre l’impact de la mise en place de quotas d’accueil de bacheliers professionnels en STS et de bacheliers technologiques en IUT. Les données de la session 2014 d’APB indiquent que sur les 101 198 candidats titulaires d’un baccalauréat professionnel (86 097 en 2013), 79 537 (soit 79 %) ont fait porter leur premier vœu sur un BTS ou un BTS agricole (70 092 en 2013). Le nombre de propositions d’admission en BTS/BTSA faites aux candidats d’une terminale professionnelle s’est en outre accru de 12,5 % (+ 4 761).
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Par ailleurs, sur les 126 832 candidats titulaires d’un baccalauréat technologique (125 032 en 2013), 24 823 (soit 20 %) ont fait porter leur premier vœu sur un DUT (contre 22 518 en 2013, soit 18 %). Le nombre de propositions en DUT faites aux candidats d’une terminale technologique s’est également accru, mais de 6 % seulement (+ 878).
 
DES BONNES PRATIQUES SUR L’ORIENTATION DES BAC PRO ET TECHNO
 
Sandrine Doucet rapporte que le MENESR n’a "pas fourni de tableau récapitulatif des quotas arrêtés par les recteurs", au motif que "ceux-ci varient fortement d’une académie à l’autre et d’une spécialité à l’autre", mais elle considère que "la politique d’orientation privilégiée des bacheliers professionnels et technologiques" a donné lieu à de "bonnes pratiques".
 
Elle cite par exemple la fixation des pourcentages par territoire, sur la base d’un diagnostic fondé sur l’observation des flux au cours des trois dernières années et la définition de cibles à échéance de deux ou trois ans en fonction des spécialités et des spécificités territoriales (académie de Grenoble). Autre bonne pratique : la réalisation de travaux sur "les déterminismes psycho-sociaux et les déterminismes géographiques" pour définir le public visé, à savoir les élèves qui vivent dans des milieux peu "porteurs" d’un point de vue socio-économique ou géographique pour lesquels une action volontariste est nécessaire (cas du service statistique du rectorat de Clermont-Ferrand en association avec l’Insee).
 
La députée signale aussi l’élaboration d’un outil numérique "STS" qui gère les informations sur les places vacantes, sur les entrées et parcours en STS et permet de repérer les possibilités d’accueil de bacheliers professionnels en STS (académie de Nice). Elle souligne que cette politique a été corrélée à̀ "l’adoption d’une communication ciblée en direction des lycéens des voies technologique et professionnelle".
 
LES QUOTAS, UN OUTIL CONTESTÉ
 
Mais "l’outil" des quotas reste "contesté, à des degrés divers", note la députée. Elle observe que "le volontarisme des recteurs conduit parfois à retenir des pourcentages de bacheliers professionnels 'calqués' sur ceux des candidats souhaitant intégrer telle ou telle spécialité de STS". "Comme le quota suit la demande, cela permet d’afficher, dans certains cas, un pourcentage de bac pro égal à 100. Or, en empêchant la mixité des publics de bacheliers ou même seulement en la freinant, cette politique peut conduire à une surreprésentation, au sein de la formation, de l’apprentissage par le geste […] au détriment d’une approche plus conceptuelle à laquelle ont été habitués les élèves des filières technologiques", constate la députée.
 
Elle souligne aussi que "le remplissage des quotas de bacheliers technologiques en IUT se heurtera à un réel problème de vivier dans plusieurs spécialités industrielles". Dans certains cas, il est en effet matériellement impossible d’aller au-delà d’un objectif de 40 % de bacheliers technologiques, ce problème pouvant être aggravé dans les zones rurales. "Le rééquilibrage des flux entrants de bacs généraux et technos dans les instituts demandera donc du temps, ne serait-ce que pour effacer les effets de la baisse des effectifs de ces derniers bacheliers, qui sont passés de 140 700 en 2006 à 125 000 en 2012", conclut la députée.
 
FIXER DES OBJECTIFS EN TERMES DE BACHELIERS FORMÉS
 
La députée estime que "la démocratisation du baccalauréat a pu faire croire qu’elle entraînerait celle de l’enseignement supérieur long – alors que celui-ci 'réserve' ses diplômes aux bacheliers généraux et voue les bacheliers professionnels à l’échec". En ce sens, l’objectif des 80 % a pu "leurrer" certains jeunes quant à leurs chances de réussite à l’université alors que celle-ci n’est aucunement préparée à les accueillir. "Les quotas ne suffiront pas à régler le double problème d’un accès démocratisé aux études supérieures et de l’élévation du niveau de qualification", conclut Sandrine Doucet.
 
La député propose trois mesures :
 
– une politique d’accroissement du nombre de bacheliers technologiques et généraux, en fixant des objectifs en termes de types de bacheliers formés et en augmentant la part des bacheliers généraux issus des milieux sociaux les plus exclus de ce diplôme ;
 
– une politique d’assouplissement des parcours de formation à l’université pour les bacheliers technologiques et professionnels motivés. Les expériences réussies d’allongement des cursus (étalement de la première année de licence sur deux ans), qui permettent d’offrir des compléments de formation pour ceux qui en ont besoin pour réussir, devraient être, en conséquence, étendues à l’ensemble des établissements ;
 
– une politique d’encouragement à la reprise d’études, qui favoriserait ainsi la mobilité sociale à moyen ou long terme, en convainquant les familles que tout n’est pas joué à l’âge de 18 ans.
 
APB, UN DISPOSITIF SOURCE "D’ANXIÉTÉ ET DE CONFUSION"
 
Sandrine Doucet relève qu’une "meilleure régulation des flux" de bacheliers technologiques et professionnels vers les STS et les IUT implique, au-delà du recours aux quotas, "la mise en œuvre d’une politique d’orientation plus fine de ces élèves". La députée formule plusieurs critiques sur le dispositif APB.
 
Les dates butoirs ne semblent pas toujours communiquées suffisamment à l’avance aux lycéens de terminale pour que ceux-ci puissent affiner leurs choix et les enseignants se "font les ambassadeurs de leur discipline et n’informent pas assez leurs élèves sur la variété des filières du supérieur". Surtout, "ils ne disent pratiquement rien sur l’importance de la hiérarchie des vœux".
 
"Cette méconnaissance conduit les élèves à ne pas définir de réelles priorités mais à multiplier le nombre de vœux – jusqu’à une vingtaine – pour être sûrs d’être pris dans une formation", déplore la députée qui regrette le "mauvais usage qui peut être fait d’APB", qui "nourrit de l’anxiété […] et du dépit lorsque celui-ci s’achève sur un choix de cœur qui n’est pas retenu". La députée préconise de "mieux expliciter le fonctionnement du dispositif APB" et de diffuser les bonnes pratiques d’orientation dans les lycées. 
 
Source AEF{/f90filter}